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La transition vers les camions électriques s’accélère, portée par les progrès technologiques et les objectifs environnementaux. Autonomie accrue, ventes en hausse et engagement des constructeurs : le secteur du transport routier de marchandises amorce une mutation profonde vers l’électrification. Nicolas Meunier, Responsable du Pôle Transport chez Carbone 4, fait le point sur cette évolution et ses enjeux, soulignant les avancées récentes et les défis à relever pour concrétiser cette révolution du fret routier.

Nicolas Meunier Senior Manager / Responsable de pratique chez Carbone 4

Nicolas Meunier

Responsable du Pôle Transport chez Carbone 4

Comment le marché du camion électrique a-t-il évolué par rapport à l’étude publiée par Carbone 4 en juin 2022 ?

L’amélioration de l’autonomie est l’une des grandes avancées observées durant ces deux dernières années. Nous sommes passés de 150 à 200 km d’autonomie en 2022 à 400 km actuellement, avec les nouveaux modèles développés par plusieurs constructeurs. Or, de nombreux transporteurs indiquent qu’un minimum de 350 km est nécessaire pour assurer leurs tournées. Il est donc possible, désormais, de couvrir les tournées urbaines mais également régionales. La longue distance (> 500 km/jour) reste une question mais peu à peu, les paliers d’autonomie se développent.
Selon les récents chiffres de l’ICCT1, les ventes de poids lourds électriques ont d’ailleurs été multipliées par trois par rapport à 2022. Le nombre total de modèles reste limité, car on estime à 1 % la part de camions électriques en Europe. Il est toutefois intéressant de relever que les prévisions de développement envisagées dans notre étude se concrétisent puisque les constructeurs respectent leurs objectifs. Ils considèrent que 40 à 50 % de leurs ventes seront des camions zéro émission (principalement à batteries) en 2030.

Pourquoi l’électrification s’impose-t-elle comme l’option privilégiée pour la décarbonation des camions ?

Plus le temps passe, plus les développements sur les batteries et les nouveaux modèles de camions imposent l’électrique car cette motorisation s’affranchit progressivement de ses principales limitations (autonomie, temps de recharge, charge utile). Le biogaz et les biocarburants requièrent une ressource en biomasse qui est limitée, et en concurrence avec différents usages. Quant à l’hydrogène bas-carbone, il s’agit d’une motorisation nettement plus chère pour des questions de rendement énergétique. Il faudrait donc réserver ces vecteurs énergétiques à la mobilité lourde, au transport maritime, ferroviaire ou routier longue distance, et même avec ce fléchage, la ressource ne sera pas suffisante pour décarboner l’ensemble de ce segment. Le camion électrique est donc déjà à privilégier pour le transport de marchandise et régional, et pourra aussi être envisagé sur le transport longue distance. Il sera donc en mesure de répondre aux différents besoins. Néanmoins, cette technologie fait appel à des ressources minérales importantes, et il est donc essentiel de limiter la taille des batteries embarquées au plus juste par rapport au besoin d’autonomie (en prenant en compte les bornes de recharges disponibles).

Quelles sont les solutions pour dépasser les barrières au déploiement des camions électriques ?

Le développement de nouveaux modèles est un élément essentiel. Il faut néanmoins veiller à ne pas aller trop loin dans l’augmentation de l’autonomie. Outre-Atlantique, des camions avec de près 1 000 kWh (ex : Tesla Semi) de capacité sont développés mais les batteries ne doivent pas être trop lourdes pour ne pas pénaliser la charge possible et limiter l’impact environnemental. Le déploiement de bornes de recharge pour les poids lourds est la deuxième condition car le réseau n’est pas encore opérationnel à ce jour, et les portions d’autoroutes électrifiées pourraient contribuer au déploiement sur la longue distance à moyen terme. Enfin, la formation des conducteurs et de ceux qui planifient les schémas logistiques est nécessaire. Les transporteurs fonctionnent avec de nombreuses contraintes, en permanence. Si une contrainte nouvelle est intégrée, il est important de leur expliquer sa nécessité, son intérêt pour eux et plus largement, pour l’environnement.

1 International Council on Clean Transportation (ICCT), European heavy-duty vehicle market development quarterly, mars 2024